jeudi 31 décembre 2015

Tu sais quoi ?





Tu sais quoi ?

On pourrait aller voir de l'autre côté, et se raconter plein d'histoires, de belles histoires, pas de ces histoires moches qui font pleurer...

On pourrait aller voir vers la lumière, et puis on serait complices d'autres jours, d'autres rires, d'autres tendresses.

On pourrait s'en aller tous les deux, et distribuer de la tendresse partout et surtout là où elle manque, terriblement.

Tu sais quoi ?

On pourrait même tenir compagnie aux mésanges qui viennent si près de la fenêtre que tes moustaches en frémissent.

Et puis on s'envolerait sur un vol de bisous, rien que pour installer la paix et l'amour sur le trône de l'an...

Ce serait quand même bien beaux moments qu'on pourrait distribuer comme cadeaux, sans rien souhaiter d'autre que de vivre heureux...

Xavier Lainé

29 décembre 2015

dimanche 2 septembre 2012

10. Lieux du corps humain


Le journal Le Monde, dans son édition des 14 et 15 mars 2010 a publié une excellente tribune d'opinion écrite par Messieurs Giordan, Sicard et Michel, tous trois universitaires reconnus. Ce texte m'a semblé poser enfin le problème du corps "vécu" dans notre pays, mais sa conclusion et son appel à créer un "lieu du corps humain" dans notre pays sous l'égide du Musée de l'Homme, du Palais de la découverte et de la Cité des sciences, une réponse bien maigre à un problème qui relève et relèvera de plus en plus de la santé publique, tant le coût de l'ignorance se fait sentir sur les budgets sociaux.
Je me suis donc senti autorisé à écrire une réponse qui vaut ce qu'elle vaut. j'ai cru pouvoir user de mon sens aigu de la citoyenneté. J'ai écrit. j'ai faxé mon texte à la rédaction du journal lundi 15 mars après-midi. J'attends depuis un signe de vie. Ah! Que ne suis-je moi aussi, universitaire estampillé! La parole autodidacte en notre beau pays fervent de "l'excellence" et des mots dexperts n'a pas sa place sous nos cieux. On s'étonnera alors que le "peuple d'en bas" finisse par se détounrer, pour la plus grande satisfaction de nos apprentis dictateurs, de ses plus simples devoirs de citoyens!
Il reste donc ce lieu peu visté pour vous soumettre cette réflexion. Je vous met ci-après le texte de nos doctes professeurs et la réponse que le journal Le Monde ne publiera sans doute jamais. Il n'est bon bec que de Paris, rien de changé depuis Villon, et, à moins d'être introduit dans le cercle des divinités qui font la pluie et le beau temps sur ce territoire, on ne mérite que silence méprisant...
Voici donc le texte publié dans le journal :
Et voici la réponse que vous ne trouverez qu'ici :
Les lieux du corps humain, en France, existent, mais ils sont ignorés
(Remarques à propos de l’opinion de Messieurs Giordan, Sicard et Michel, publiée dans Le Monde du 13 mars 2010)
Par Xavier Lainé*
Le constat est sans faille et nous devons en remercier Messieurs Giordan, Sicard et Michel qui semblent découvrir le traitement assez méprisant en lequel ce véhicule qui est le nôtre et avec lequel nous devons négocier pour demeurer en vie la plus saine possible, le plus longtemps possible est abordé.
Il me prend assez souvent de proposer cette image : chaque dimanche, combien de nos compatriotes passent un temps inouï à récurer, brosser, réparer la carrosserie et la mécanique de leurs voitures, de leur jardin, de leur domicile ? Combien d’entre eux trouvent dans ces tâches infiniment répétées, un palliatif à l’ennui souverain d’un âpre travail dans lequel ils se sentent parfaitement méprisés ? Les voilà qui s’agitent à entretenir les éléments extérieurs à eux-mêmes, sans même un œil pour leur propre fonctionnement.
Les voilà qui entretiennent mieux leur voiture que leur corps, pourtant indispensable à leur maintien en bonne santé, outil de l’ensemble de leurs activités. Il ne viendra pas à l’idée d’un maçon de ne pas nettoyer ses instruments avant de quitter son chantier. Mais à voir les mains de celui-ci quand il arrive chez le kinésithérapeute en se plaignant d’avoir le dos brisé, on reste dubitatif quand à ces deux outils, vulgairement délaissés comme deux appendices dont il n’y aurait aucun soin à prendre…
Je pourrais à l’envie citer ici cette longue litanie, en trente années d’exercice qui m’ont conduit à changer mon fusil d’épaule, mais surtout à dresser le même constat que Giordan, Sicard et Michel.
Oui, nous assistons, malgré les progrès de la science, de la médecine et de la technologie à une formidable régression sur le plan humain de la perception de soi sous cet angle devenu le pré carré des marchands et des fabricants de la mode : notre propre corps…
Cette ignorance est le résultat de ce que nos trois universitaires mentionnent, d’une stratégie du déni corporel instituée depuis des années. La question du corps n’est abordée que par fraction :
« corps machine » de la biologie dont l’enseignement range les rouages et les mécanismes à la nécessité d’une maîtrise dont on n’ose encore dire qu’elle doit dompter le démon qui l’anime, les croyances d’autrefois étant avantageusement remplacé par une approche strictement pyramidale des grandes fonctions organiques sous l’égide d’une cerveau réduit à son anatomie et à sa physiologie sous la police de gènes dont il nous faudrait considérer la toute puissance absolue ; - corps physique, modelé par une éducation physique agonisante, remplacée par l’esprit de compétition sportive, l’approche d’un corps assujetti aux canons de l’esthétique musculaire ;
corps plastique dont l’image est généreusement véhiculée à travers les magazines, le cinéma, les émissions de variété : hors des standards et des critères de beauté imposés par les marchands et fabricants de cosmétiques, de machine à « body-builder », de coaching corporels, point de salut !
On mène la « machine » jusqu’à l’extrême, le nec plus ultra résidant, pour se persuader d’avoir encore une existence sensorielle, de se jeter du haut d’un pont au bout d’un élastique… Les médias sont très prompt à nous vanter les mérites de ces sportifs de l’extrême dont l’art consiste à revenir vivant d’expéditions où ils se mettent en danger, sans préciser que ceux-là bénéficient souvent d’entraînements attentionnés parrainés par des groupes qui, par ailleurs fabriquent les pommades et onguents nécessaire à colmater les brèches, réparer les fissures, effacer les bleus et contusions…
On ne connaît donc nos corps, comme l’affirment nos universitaires, qu’une fois l’objet brisé, à l’occasion d’une pathologie dont les ferments ont été semés, bien en amont du problème, sans que nul ne s’en offusque… L’hôpital lui-même en arrive à ce paradoxe de devoir développer des technologies toujours plus avancées, parfois sans même concevoir les êtres humains qui l’assaillent, autrement que comme des numéros, des mécaniques à réparer et qu’on renvoie sans autre questionnement à leurs joyeuses habitudes, tout en convoquant de sempiternelles réunions sur la qualité des soins et les moyens d’humaniser des structures d’où l’humain a fui, puisque les patients eux-mêmes ne sont pas persuadés d’exister autrement qu’à l’état de bielles, siphons, transmissions dont l’organisation maudite leur fait brutalement défaut.
Le constat est donc juste, le questionnement pertinent : « A quel moment prend-on vraiment en compte le corps ressenti ou désirant des élèves ? » Jamais…
Car : « Le corps, dans la culture française, reste […] un impensé. On exige de lui toutes les performances imaginables dans les carences et les excès. On s’en préoccupe seulement quand l’accident ou la maladie arrive. Alors que la recherche médicale progresse, l’accompagnement clinique du corps des patients n’est pas toujours à la hauteur. On traite une pathologie, le plus souvent un organe… »
Et de proposer des axes de réflexions, tous aussi pertinents les uns que les autres, toutes basées sur une exploration en matière d’éducation du corps :
« l’apprivoisement de son corps » : acceptation de ses sensations, émotions, désirs passant par leur reconnaissance, puis la gestion de ces ressentis par une meilleure connaissance de l’ « intérieur » - La « mise en perspective de l’imaginaire social entre « être un corps » et « avoir un corps » » : nécessité pour ce faire de conjuguer et tisser les apports des différentes disciplines pour « resituer le corps, son propre corps ».
On ne peut qu’applaudir à ceci : « Le croisement de ces approches permet de mettre en tension « l’ordre » scientifique et les dimensions « symboliques », « humanistes ». Elle peut relever le défi d’une interprétation plus respectueuse de la complexité de l’humain. »
Bravo, le constat, pour amer qu’il soit n’en n’est pas moins pertinent. Mais où tout ceci nous mène ? A une reconnaissance implicite, une porte ouverte aux recherches transdisciplinaires capables de mettre en évidence l’apport de ces « lieux du corps humain » où des pionniers explorent une connaissance de soi fondée sur les arts martiaux orientaux, la méditation, les méthodes éprouvées qui relèvent de ce qu’au Québec, avec un DESS approprié, on nomme l’éducation somatique ?
Pas du tout. Toute cette belle théorie est une invitation à mettre le corps au musée, sous l’égide du Musée de l’homme, du Palais de la découverte et de la Cité des sciences !
On peut effectivement noter qu’en France, un tel lieu n’existe point comme à Londres, aux Pays-Bas, à Dresde. On peut même le regretter.
Mais il nous faut aussi constater que les praticiens (soignants en particulier) français qui s’aventurent sur ces terrains laissés en friche, pour le plus grand bonheur de leurs « patients », ou « élèves » (comment appeler ces personnes désespérées de n’être jamais prises en compte pour ce qu’elles sont, fuyant les aspect mécanistes de la techno-science médicale ?), sont en bute, au sein, par exemple, de l’ordre tout nouveau des kinésithérapeutes, mais aussi eu égard à la prise en charge de leurs compétences dans le cadre de soins prescrits et remboursés, à des mises en demeure d’arrêter leurs recherches au motif de la « non scientificité » de leur travail.
De ce seul fait, les « lieux du corps » existent et se multiplient, en France, mais réduits à la marge, y compris quand les « techniques » pour aborder le corps conscient sont enseignées par des universitaires.
Le refus de se pencher sur les pratiques du corps orientales, sur celle, développées en occident par Matthias Alexander, Gerda Alexander ou Moshe Feldenkrais pour ne citer qu’eux, de la part d’une frange académique ayant déserté depuis longtemps toute pensée du corps autre que morcelé, éparpillé, séparé, renvoie ces lieux du corps à être des clandestins, soumis à de sempiternelles suspicion de la part du corps médical et soignant, comme de la part des institutions administratives. Dès lors que l’on s’occupe de réconcilier l’humain avec cette partie essentielle de lui-même, on est suspecté de déviance en ce pays…
Alors, créer un lieu du corps, à Paris ou ailleurs ? Oui, peut-être, à condition que ce lieu ne soit pas un musée de plus où les citoyens pourront satisfaire leur seule curiosité intellectuelle, mais aussi faire l’expérience de ce que change pour eux la pratique d’un corps habité, vécu, ressenti. Un lieu de rencontre entre les sciences, les philosophies, les psychologies ou psychanalyses et les pratiques nécessairement empiriques qui se sont développées depuis le début du XXème siècle serait effectivement le bienvenu s’il se transformait en vecteur de compréhension et de recherche au service de ces pratiques aujourd’hui considérées avec condescendance dans les domaines de la santé, de la prévention, de l’enseignement, de la création et de la recherche…
Pour ma part, je considère l’opinion émise par Giordan, Sicard et Michel comme une porte entrouverte, un message d’espoir dans un pays profondément enfoncé dans ses certitudes étroites. Si chacun d’entre nous entrait en relation avec ce qu’il est vraiment sur le plan de son organisation corporelle, ce serait l’occasion de découvrir que toute affirmation de vérité ne trouve aucun fondement, mais que sa recherche, elle, est tissée au sein même de nos os, de nos muscles, de nos nerfs et de notre brillant système nerveux qu’il faut alors entendre, non comme cette masse gélatineuse qui occupe le sommet de nos individus mais comme un formidable outil au service de notre vie relationnelle, dans l’environnement qui est le nôtre, riche de ce qu’il perçoit de la vie qu’il contribue à animer au plus profond de nos chairs.
Manosque, le 14 mars 2010
* Xavier Lainé est écrivain, membre de la SGDL et de la SACD, Kinésithérapeute Diplômé d’état, membre du syndicat Alizé, Praticien Feldenkrais certifié, membre de l’Association Feldenkrais France.

9. Méthode Feldenkrais : de la neuro-plasticité comme si vous étiez


Xavier Lainé, écrivain, praticien Feldenkrais, kinésithérapeute
 Texte ayant servi de support à l’atelier proposé dans le cadre des Journées Francophones de Kinésithérapies 2011, organisées par la Société Française de Physiothérapie, au Palais des Congrès du Parc Chanot, à Marseille, le 5 février 2011

Certaines affirmations « scientifiques » ont la peau dure. Même lorsque l’évidence les remet en question, elles continuent à être psalmodiées de manière incantatoire, contre vents et marées. Ainsi de cette boutade qui est répétée à l’envie, selon laquelle nous aurions un potentiel de neurone à notre naissance qui fondrait comme neige au soleil, l’âge aidant.
Nul, bien sûr, n’a pu dénombrer le potentiel neuronal du citoyen lambda dès son avènement. Nul non plus n’a pu démontrer que ce potentiel allait décroissant, selon les mythes, à partir de dix, quinze ou vingt ans. Voici donc une de ces « évidences » pseudo-scientifiques culte, considérée comme la base de tout raisonnement sensé en matière de neurologie et qui se trouve totalement sans fondement.
Il en est ainsi à trop considérer les « critères de la science actuelle » comme des dogmes infranchissables : ils transforment les pires inventions en vérités toutes faites, au risque de nous faire louper le coche de l’avenir. Car il est toujours plus difficile de contrer des idées reçues que de discuter de réelles informations.
Ainsi, il se trouve encore des professeurs, des gens bien comme il faut pour véhiculer un mensonge, quand, depuis quinze ans au moins, les preuves d’un fonctionnement radicalement différent de notre système nerveux sont apportées, mais restent encore confidentielles.
Neuro-plasticité, de quoi s’agit-il ?
Ce que l’on nomme neuro-plasticité revêt de multiples aspects, tous mis en évidence depuis une quinzaine d’année.
Ainsi, on sait qu’entre le système nerveux neuronal (substance grise) et le système nerveux chimique (substance blanche), à mode de fonctionnement différent, le second agit comme un « doublage » du premier/ comme si chaque action entreprise dans le système neuronal bénéficiait de sa « sauvegarde » dans le système chimique.
Il a été mis en évidence, par ailleurs, que rien n’est totalement définitif dans l’arbre extrêmement complexe que forment les connexions synaptiques. Rien de plus instable que ces connexions qui passent leur temps à se faire et se défaire, à se créer et disparaître selon les stimulations perçues par le système.
Enfin, de découverte plus récente : une véritable pépinière de néo-neurones a été mise en évidence à proximité des noyaux gris centraux et de l’hippocampe, portant un coup fatal à la fable copieusement répandue de la fonte de notre potentiel neuronal.
Bien sûr, ces fonctions de plasticité ne sont pas immuables, et ne se produisent pas à la même vitesse tout au long de l’existence. Ainsi, un enfant sera plus facilement prêt à créer de nouvelles connexions et à régénérer son système qu’une personne d’un certain âge. Bien qu’encore…
Il semblerait en effet que ces formidables fonctions qui ne sont rien d’autre qu’une capacité de notre système à s’adapter aux variations liées à l’environnement, et aux apprentissages imposés par l’expérience vécue, soient soumises à quelques règles élémentaires qui peuvent en assurer la continuité, l’accélération, ou le ralentissement.
Contrairement à toute attente, il ne suffit pas d’avoir une vie réglée comme du papier musique, de manger sainement ou d’éviter toute forme de stress pour que nos neurones se mettent à s’interconnecter, et à se reproduire. Pour ce, il leur faut être stimulé. Et cette stimulation puise sa source dans le fait de se trouver dans des situations imprévisibles, de devoir faire face à des épreuves nécessitant une part d’improvisation adaptative, de ne pas répéter toujours les mêmes schémas d’organisation en réponse aux évènements de la vie.
Plus notre système est stimulé par des circonstances inhabituelles, et plus il répond par une plasticité facilitée.
Contrairement à l’idée répandue, cette plasticité n’a pas seulement une vocation réparatrice, mais elle agit comme une constante du système pour favoriser son adaptation à un environnement changeant, permettre les apprentissages comportementaux, et, par extension, est une condition indispensable de tout apprentissage.
La Méthode Feldenkrais : une pédagogie de la plasticité neuronale.
Moshe Feldenkrais, dans l’élaboration de ses propositions de Prise de Conscience par le mouvement, partait de cette idée qu’il fallait ouvrir des voies inhabituelles d’entrée en mouvement pour amener le système nerveux à une mise en recherche de nouveaux modes d’organisation.
Nos schémas d’organisation étant le résultat de nos apprentissages, la signature d’une expérience de vie, inviter à faire l’expérience concrète d’une exploration inhabituelle, ne peut que nous rencontrer en ce lieu où nous sommes arrivés, et nous inviter à ouvrir d’autres voies d’organisation, non par une mise en cause violente des schémas acquis, mais par l’entrée douce et progressive d’autres modes exploratoires.
Si vous vous mettez debout, les yeux fermés, il est probable que pour certains cette proposition même soit assez inhabituelle pour que, déjà, vous puissiez percevoir un léger mouvement d’oscillation autour de l’appui sur vos deux pieds, preuve que « quelque chose » est en train de se produire en vous qui ne vous laisse pas indifférent dans cette mise en expérimentation.
Mais si, maintenant, vous prenez le temps d’observer comment s’organisent vos appuis sous vos pieds (peut-être plus vers les talons, ou vos avant-pieds) et que vous prenez le temps d’accentuer cette sensation et d’y rester un instant, vous allez très certainement être confrontés à quelques secousses absolument involontaires qui sont la traduction concrète d’une réponse de votre système nerveux à cette « provocation ».
Si vous prenez le temps d’un léger repos (en marchant, par exemple), et que vous revenez à cette sensation première de la répartition de vos appuis sous vos pieds, il est vraisemblable que vos sensations se seront modifiées déjà de façon substantielle.
Si maintenant vous placez vos deux mains l’une dans l’autre, vos bras élevés devant vos épaules et que, dans cette position vous jouez à reculer votre bassin comme pour aller vous assoir ou déposer vos lombaires contre un mur. En répétant ce mouvement inhabituel plusieurs fois avant de revenir à votre position debout naturelle, vous observerez que votre attitude sera peut-être moins dans une « tension » pour vous tenir debout, votre système optant pour une oscillation lente, et la sensation de vos appuis aura sans doute encore changée.
Mais, si, revenant à cette seconde position (vos bras devant vos épaules, les mains posées l’une dans l’autre, en changeant l’ordre de dépôt de vos mains), vous jouez à reculer la partie droite de votre bassin en avançant votre épaule droite et en alternant avec le même mouvement du côté gauche, la répétition lente d’un mouvement aussi inattendu qui, au départ pouvait vous paraître difficile, vous apparaîtra progressivement comme évident, et, lors de votre retour au repos, vous aurez la surprise, sans doute de vous découvrir de nouvelles sensations.
Ces modifications dans vos sensations sont la signature que quelque chose a pu se produire dans votre sens kinesthésique. Vous avez donc devant vous la preuve s’il en fallait une que votre système nerveux est bien vivant et qu’il vient d’intégrer quelque chose de l’expérience vécue.
La méthode Feldenkrais, par sa pédagogie spécifique d’aborder le mouvement sous un jour inhabituel est donc une des voies possibles d’une stimulation du système nerveux central, lui permettant de continuer et d’approfondir sa fonction plastique nécessaire à notre adaptation à un environnement sans cesse changeant.
Sans conclure
Voudrais-je dire ici que seule la méthode Feldenkrais aurait cet effet bénéfique ? Ce n’est pas mon intention. Car, au fond, notre système peut être engagé dans ses fonctions de plasticités en de multiples autres occasions, bien au-delà de l’influence d’une méthode comme Feldenkrais.
Je voudrais simplement attirer l’attention sur ce fait désormais incontournable qui doit nous obliger à reconsidérer nos actes, quelle qu’en soit la justification technique, compte-tenu de ces nouvelles connaissances.
Car, si un mouvement aussi simple que celui effectué laisse une trace mnésique dans notre sens kinesthésique, tout acte technique appliqué sur la peau, sur un muscle, sur une articulation, toute intervention doivent être réévalués sans perdre de vue l’influence que ces techniques, même totalement justifiées, peuvent avoir sur l’organisation de nos patients.
Si la méthode Feldenkrais est une porte d’entrée possible à cet espace, gageons qu’elle puisse agir en complémentarité avec toutes les autres, comme par un effet amplificateur de l’efficacité de toutes par la mise en éveil d’une neuro-plasticité omniprésente.
Ce qui n’exclut en rien de considérer chaque geste technique y comprit dans ses effets sur l’ensemble de la personne, par le biais de cette neuro-plasticité.
Manosque, 4 février 2011
Bibliographie non exhaustive
Cerveau, un remaniement perpétuel, Sciences & avenir, août 2009
Plasticité du système nerveux central, in La science au présent 2007, Encyclopedia universalis
Le cerveau, comment il se réorganise sans cesse, Les dossiers de la recherche n°40, trimestriel août 2010
Revue de presse :
Je savais Jean-Pierre Zana, du comité de rédaction de la revue FMT Magazine, présent dans la salle, puisqu'il s'était présenté. J'ignorais ses intentions. J'ai bien failli ne pas lire FMT Magazine n° 99 des mois de juin, juillet et août 2011, n'étant pas friand de ces revues d'où l'humain est trop souvent évacué. Mais voilà que mon intervention aux Journées Francophones de Kinésithérapie a dû marquer, puisqu'elle se trouve en bonne place dans le compte-rendu qui en est fait. Et, en plus, de bonnes questions sont posées quant à l'éviction de la Méthode Feldenkrais de l'arsenal des pratiques disponibles pour les kinésithérapeutes de ce pays. Alors, je ne résiste pas au plaisir de vous laisser lire (une seule erreur, Monsieur Zana, qui ne retire rien aux remerciements que je vous dois : il ne s'agissait pas de "La méthode Feldenkrais comme si vous y étiez", mais de "La neuroplasticité comme si vous y étiez", mais vous êtes tout excusé).

8. La Méthode Feldenkrais ™ et sa pertinence dans le domaine de la rééducation/réadaptation.


De l’importance de l’éveil sensoriel pour favoriser les schémas d’adaptation et de réorganisation de la personne.
Par Xavier Lainé, Kinésithérapeute DE, Praticien Feldenkrais certifié
Je tiens à remercier le syndicat Alizé de m’avoir invité à vous faire part et à vous proposer une entrée en matière dans un travail, hélas, profondément négligé par notre profession, malgré les tentatives de collègues, peu nombreux il est vrai, et pour cause, la formation n'étant jamais aidée par les fonds de formation professionnelle auxquels pourtant ils cotisent, qui se sont investis depuis plus de vingt ans pour faire connaître les recherches de Moshe Feldenkrais.
Je voudrais citer ici Françoise Figuière qui a longtemps présenté la méthode à l’école de Bois-Larris, avant d’y être remplacée par Christine Barrat, saluer la patience (et bien souvent l’abnégation) de Claude-Jeanne et Jean-François Michaud à LyonClaude Espinassier à MontpellierJean-François Roquigny et Annick Tissier à Aix-en-Provence, et de tous ceux dont je ne pourrai pas citer les noms sous peine d’être fastidieux (qu’ils veuillent bien ici m’en excuser).  
Tous, depuis des années, ont tenté de faire connaître une méthode dont je voudrais maintenant vous inviter à découvrir la pertinence pour notre profession. Ils ont, comme je le fais moi-même, œuvré, bien souvent contre la profession elle-même. En effet, en choisissant de s’orienter plus vers la physiothérapie, pour des critères bien compréhensibles de productivité et de rentabilité, en délaissant le problème du paiement décent de l’acte individuel, et en limitant sa présence, dans le champ de la prévention, aux sirènes gouvernementales, focalisées sur les grandes pathologies, mais perdant de vue la définition de la santé promue par l’OMS qui serait cet état de bien-être biologique, psychologique, social et économique, abandonnant la nécessité d’apprendre à prendre soin de soi, les organisations professionnelles historiques ne nous ont pas aidé dans nos recherches.
Les difficultés rencontrées ont parfois contraint ces collègues à quitter le champ d’une pratique professionnelle conventionnelle, par simple soucis de survie. Les pages entrouvertes dans certaines revues syndicales, ne font que souligner l’attitude pour le moins étrange qui consiste, de facto, à mener, par derrière, une politique d’exclusion. Ce don admirable a plusieurs noms : duplicité, hypocrisie… Il consiste à combattre dans les faits ce qu’il convient de faire semblant de soutenir par ailleurs.
Les quarante minutes qui me sont offertes, je voudrais les consacrer à deux idées chères à Moshe Feldenkrais, ingénieur en sciences physiques, introducteur du judo en France, ami de Frédéric Joliot-Curie et de Paul Langevin : il avait eu, bien avant que les sciences ne développent nos connaissances dans le domaine de la neurophysiologie, l’intuition que nos mouvements, s’ils sont le résultat de l’agencement particulier d’un squelette et d’un système musculaire, ne peuvent exister sans un contrôle et/ou une initiation de notre système nerveux central, dont il pensait, contre toutes idées courantes à l’époque, qu’il passait son temps à s’adapter aux conditions dans lesquelles nos mouvements s’établissent (ce qu’il appelait « nos conditionnements »).
Je voudrais donc vous inviter à entrer dans la perception concrète (encore une idée chère à Feldenkrais : rendre concret ce que notre esprit peut échafauder à l’état de théories) de ce que nous nommons aujourd’hui notre neuro-plasticité cérébrale.
Je vous invite donc, en préambule, à venir percevoir la manière dont vous êtes assis dans ces sièges formidablement prenants. Quelle perception avez-vous de votre position, sans vous laisser happer par un regard extérieur? Comment, dans la position où vous vous trouvez, sentez-vous l’organisation de cette charpente fondatrice de notre mise en mouvement? Comment votre système musculaire répond à la position qui est la vôtre?
  Plus particulièrement, venez noter si vous serrez vos mâchoires, si vos dents se touchent et en quels endroits, si votre langue est contre le palais haut ou repose dans la partie basse de votre mâchoire inférieure, et quelle est la sensation des traits de votre visage.
  Une fois entrés dans l’intimité de cette organisation qui est la vôtre, essayez de relâcher la mâchoire inférieure jusqu’à ce que son propre poids ouvre la bouche. Est-ce facile, pas facile? Cette attention que vous apportez à la détente de votre mâchoire entraîne-t-elle des modifications dans l’expression de votre visage, de vos yeux? Qu’est-ce que cette attention portée à un aussi infime détail met en évidence comme différence avec vos habitudes? A quoi pouvez-vous rattacher ces tensions excessives? Et si vous relâchez un peu votre attention, à partir de quand reviennent-elles?
 Si, maintenant, vous laissez tomber cette attention que vous avez portée à vous-mêmes, que vous entrez dans ce que nous pourrions nommer une phase de repos : que ressentez-vous ? Peut-être allez-vous être étonnés de sentir, par endroit, quelques frémissements, ou mouvements involontaires, ou une impression de froid ou de chaud, un changement même minime dans votre manière de respirer, des petites variations dans les traits de votre visage, dans la perception de l’environnement de la pièce, des bruits qui l’agitent. Peut-être même allez vous sentir que quelque chose, là-dedans, vient entrer en résonnance avec votre état psychologique, vous mettant donc en contact avec ce tout qui vous caractérise, et qui nous fait tous différents les uns des autres.  
Toutes ces variations dans vos sensations sont autant de preuves des signaux que vous venez d’adresser à votre système nerveux afin qu’il affine ce que nous avons tous appris sous le nom de sens kinesthésique et que Hegel, dans sa « Phénoménologie de l’esprit »avait déjà appelé des kinesthèses.

Nous pourrions alors concevoir que notre mouvement, comme le suggérait Feldenkrais (mais il ne fut pas le seul sur ce terrain à son époque), est l’émergence phénoménologique de nos habitudes, de nos conditionnements par ajustement secret de notre système nerveux central aux informations qui lui parviennent.

Je voudrais maintenant ajouter à votre entendement un ingrédient incontournable qui, de façon tout à fait étonnante, est très souvent absent de nos réflexions.

Nul ici n’ignore, même s’il ne l’a pas lu, cette loi attribuée à Newton que l’on nomme la gravitation universelle. J’affirmerai toutefois que cette loi existait bien avant que ce dernier, sous l’action de la chute verticale d’une pomme et de la douleur engendrée sur le sommet de son crâne, n’en découvre les conditions mathématiques. C’est pourquoi je dis bien qu’elle lui est attribuée, sans rien retirer au mérite qui est le sien de l’avoir formulée. Lui-même d’ailleurs, avait l’intuition que quelque chose préexistait à l’établissement de sa loi. Je vous fais part de sa réflexion : « Puisque tout homme est conscient qu’il peut mouvoir son corps selon sa volonté et croit aussi qu’il y a chez les autres hommes le même pouvoir, par lequel ils peuvent semblablement mouvoir leur corps par leurs seules pensées : il ne faut absolument pas refuser à Dieu, dont la faculté de penser est infiniment plus puissante et prompte que la nôtre, le pouvoir de mouvoir n’importe quel corps, selon sa volonté. » (Newton, De la gravitation). Le pauvre ignorait tout de l’évolution, toujours niée par certains, aujourd’hui, dont la réalité sera mise à jour, inopinément, par Darwin, un siècle plus tard. Or, sauf à affirmer notre venue tout habillés d’une autre planète que celle-ci, notre évolution vers et dans la station verticale a été apprise dans le contexte d’une gravité qui n’a guère évolué, elle, depuis nos origines. On pourrait donc considérer que ce facteur fait partie intégrante de notre système nerveux, qu’elle en conditionne même les réponses pour ce qui concerne notre mobilité.

Quel rapport entretenez-vous avec la gravité ? Si je vous demande maintenant de vous lever de votre siège, combien d’efforts seront nécessaires pour vous en extraire ? Votre effort pour vous mettre debout vous permettrait-il de vous dérober à l’éventualité d’un danger (on n’est jamais à l’abri, dans notre jungle contemporaine, de la survenue désagréable de quelque tigre aux dents de sabre acérées) ?
Alors, s’il vous plaît, changez votre assise et venez poser vos ischions sur la partie antérieure de votre siège, de telle sorte que vous soyez sur sa partie rebondie (les architectes d’intérieurs qui conçoivent ce type de salle, devraient avoir quelques notions de physiologie somatique appliquée, ce qui augmenterait considérablement notre confort de spectateur ou d’auditeur). Lorsque je vous invite par un « s’il vous plaît », ce n’est pas simplement pour lancer une parole de politesse en l’air : il est bien entendu que vous êtes libres de mener ou non cette expérience. La seule exigence serait de vous amener à prendre conscience des raisons qui vous poussent à refuser ou non de la mener.
 Pour ceux que ce chemin pourrait intéresser encore, une fois installés dans cette nouvelle sensation d’une assise dépourvue de tout soutien, veuillez, s’il vous plaît, rouler un peu sur vos ischions et, ce faisant, porter attention à ce qu’il advient de la sensation de votre poids sur vos deux pieds, lorsque vous roulez ainsi vers l’avant (notez au passage ce qui change dans la forme de votre colonne vertébrale).
Lorsque vous l’aurez fait quelques fois, revenons à une image que tous les parents ont eu sous les yeux : celle de leur progéniture, lorsqu’elle cherche (je dis bien, « cherche ») la possibilité de se mettre debout. Car on ne me fera pas croire que l’acquisition de cette position si caractéristique des humains que nous sommes, dans le contexte du petit enfant, et compte tenu de sa musculature insuffisante à soulever son propre poids, puisse lui permettre d’avoir la moindre « ambition », ou « intention » d’y parvenir, sauf à « jouer » avec la sensation de ses appuis et à faire confiance à ce merveilleux réflexe de redressement acquis autour des six mois et qui lui permet d’ériger sa tête au dessus de sa colonne vertébrale en position de pro-cubitus. C’est ce jeu, qui allie, plasticité de son système nerveux et soif d’apprentissage, dans un contexte d’extrême stimulation de son système par des conjectures inhabituelles qui permet au petit enfant, dans une véritable jouissance, de trouver l’équilibre debout, puis, plus tard, en expérimentant, sans cesse, le retour plus ou moins brutal au sol, l’expérimentation de ses premiers pas. Avez-vous observé, déjà, combien cette expérience se faisait dans un bonheur absolument incroyable ? Comment expliquer alors, que, bien plus tard, nous ayons, nous autres, adultes, un rapport si conflictuel avec notre manière de nous ériger ?

Tentez de vous mettre debout et observer votre manière de le faire.
Pour parfaire encore un peu nos sensations : venez quelques fois, s’il vous plaît, regarder en l’air puis vers en bas. Observez, ce faisant, ce qui se passe dans la longueur de votre colonne vertébrale, dans votre cage thoracique et dans l’appui de votre bassin.
Venez maintenant poser votre menton dans vos deux paumes de main, en appuyant vos coudes sur votre cage thoracique, et, dans cette position, de nouveau, regardez en haut et en bas. Faites le quelques fois, puis laissez ce mouvement pour entrer à l’écoute de vos sensations.
Venez maintenant regarder dans la paume de vos mains comme dans un miroir et levez et abaissez ce miroir. Et, ce faisant, cherchez à regarder derrière vous en haut, à droite et à gauche.
Puis, revenez avec votre miroir devant vous et tout en regardant dans celui-ci de plus en plus vers en haut cherchez à amener votre poids sur vos deux pieds jusqu’à sentir le moment où il vous serait possible de vous lever.
Sans doute allez vous sentir là la possibilité de venir vous mettre debout, non en luttant, comme vous avez l’habitude de le faire, contre la gravité, mais en considérant que votre poids arrivé sur vos deux pieds, votre réflexe de redressement pourrait faire le reste, et restez debout.
Dans cette position, venez observer la sensation que vous avez de vos appuis sur vos deux pieds. Notez comment cette sensation pourrait être en relation avec votre organisation verticale.
Et commencez à osciller, d’un côté à l’autre. Ce faisant, observez si vous pouvez percevoir quels sont les mouvements de votre colonne vertébrale et de votre tête qui pourraient être congruents avec celui de votre oscillation. Faites 10 à 15 petits mouvements tranquilles : quels rapports entre eux et votre respiration.
Puis faites la même chose d’avant en arrière : est-ce que cette orientation de mouvement vous paraît plus facile ou plus ample que la précédente ? Ou préfèreriez vous revenir à l’oscillation précédente ? Où se logent vos tensions: dans les chevilles ? Ailleurs ? Est-ce que, de nouveau, vous seriez tentés de serrer les mâchoires, de froncer les sourcils ?
Et, s’il vous plaît, venez vous asseoir. Prenez un temps de repos qui vous permette, en même temps, d’observer vos sensations : êtes-vous les mêmes, ou un peu différents maintenant ? Est-ce que votre espace sensoriel s’est enrichi, ou ouvert à de nouvelles perceptions de vous-mêmes ?
Comme vous pouvez le constater, si Newton, avec juste raison, a cherché à comprendre, puis à mettre en équation cette force universelle, fruit de l’organisation même d’un univers qui nous domine, il ne s’agit point d’une force divine mais bien d’une capacité à se ressentir dans un espace donné, soumis à cette contrainte physique, qui, bien sûr, est à l’origine de bien de nos adaptations à cet environnement.

Choisissez votre chemin pour vous mettre debout, et faites-le. Restez debout, et bougez de façon à décrire un cercle sur le plan horizontal avec le haut de la tête. Continuez jusqu’à sentir le travail dans la partie inférieure des jambes et dans les chevilles. Puis, revenez un instant aux oscillations latérales, puis d’avant en arrière, puis en faisant des cercles, dans les deux sens : passez votre poids essentiellement sur votre pied droit, votre pied gauche ne reposant que par le gros orteil (votre jambe gauche ne participant que pour l’équilibre, pour l'exécution précise du mouvement sans interférence avec la respiration), et poursuivez la même exploration. Puis, répétez ce même mouvement sur le pied gauche. Répétez 20-30 fois jusqu’à obtenir la fluidité et un mouvement agréable.
Revenez en position assise, et reprenez le mouvement de votre mâchoire. Quels changements êtes-vous en mesure d’observer ?
Quel enseignement pourrions-nous tirer de cette expérience pour notre travail ?
Je pourrais en rester là, vous inviter à réfléchir par vous-mêmes, vous laisser tirer votre propre enseignement de ce type d’expérimentation (car il s’agit bien de cela, dans la Méthode Feldenkrais : il ne s’agit pas de donner comme un dogme des éléments de connaissances qui détiendraient, une fois pour toute, leur part de vérité, plus ou moins scientifiquement prouvée, mais bien d’être dans les mêmes conditions que le chercheur penché sur sa paillasse, qui ne sait pas encore ce qu’il va bien pouvoir découvrir, mais qui sait, que, quels que soient ses errements, quelque chose va pouvoir sortir de ce qu’il est en train de faire. Quelque chose qui va pouvoir seulement rétablir quelques vérités déjà établies, comme, de manière totalement imprévisible, l’engager dans des données qui vont révolutionner les données de la science en faisant émerger quelque chose d’inattendu).
Loin de nier la nécessité d’une connaissance cognitive des données de la biologie, de l’anatomie, de la physiologie, de la psychologie comme de la psychanalyse, ce travail est une invitation à prendre contact avec l’essence complexe de ce qui caractérise notre présence d’être vivant, donc en évolution dans un monde qui ne l’est pas moins.
Notre profession, si elle s’y impliquait, pourrait tirer un grand bénéfice de ce type d’exploration car, elle y trouverait la matière à de multiples recherches, dans des domaines extrêmement diversifiés. Or, un des arguments aujourd’hui présenté par l’ordre pour justifier l’interdiction d’apposer « Méthode Feldenkrais » avec notre titre officiel, serait l’absence de preuves scientifiques favorables à l’utilisation de celle-ci. Bien entendu, encore aujourd’hui, quantité de données échappent à notre connaissance scientifique. Est-ce à dire qu’il faudrait les renvoyer aux oubliettes d’un ésotérisme de bazar, ou plutôt qu’il serait de bon ton d’en examiner la pertinence au risque de l’expérimentation ? Je pique à Bertrand Méheust, signataire d’un bel article sur la désertion des élites politiques sur le terrain de ce qu’ils nomment l’irrationnel, cette belle citation de Victor Hugo, au XIXème siècle (et qui n’a rien perdu de sa pertinence, au contraire) : « Si la science ne veut pas des faits, l’ignorance les prendra. Vous avez refusé d’agrandir l’esprit humain, vous augmenterez la bêtise humaine. Où Laplace se récuse, Cagliostro paraît. »
Il ne s’agit donc pas ici de nier les apports de la science, y compris dans le domaine du soin. Il s’agit de ne pas se laisser enfermer dans une vue étroite de notre fonction rééducative ou réadaptative. Force est de constater (j’en ai fait la triste expérience pendant plus de vingt années) que les solutions « thérapeutiques » que nous avons apprises ne sont qu’une réponse tout à fait partielle aux maux qui accablent nos contemporains.
Ici aussi, il nous faut chercher des « réponses locales à un désordre global » qui réduirait notre santé à la seule absence de maladie, et qui conduit les sociétés pharmaceutiques à nous considérer plus comme des malades potentiels, au risque même d’accepter que, sacrifiés sur l’autel des cotations en bourses, on vienne nous expliquer qu’il y a une fatalité aux maladies qui frappent notre siècle.
Apprendre à écouter cette musique qui est la nôtre, en raffinant nos possibilités sensorielles, nous ouvrir à cet espace du corps ressenti que des siècles de cartésianisme mal compris nous ont invité à nier, c’est envisager de regarder nos « patients » (enFeldenkrais nous parlons d’« élèves », terme qui n’est pas plus satisfaisant que le premier), avec l’œil neuf de ceux qui sont loin de faire étalage de leur science, mais qui, au contact de chaque nouvelle personne qui entre, ont quelque chose à découvrir de cette expérience humainement unique car profondément respectueuse de la complexité du vivant qui caractérise toute la biosphère, mais, de façon encore plus évidente, cette espèce extraordinaire que l’on nomme Homo sapiens sapiens, qui a encore tant à faire pour apprendre à devenir humain, simplement humain.
Je vous remercie de votre attention et reste ouvert, bien entendu à vos questionnements, avec la seule réserve que je n’aurai peut-être pas les réponses à ceux-ci, mais qu’au contraire, comme le dit très bien Woody Allen : « J’ai beaucoup de questions à vos réponses ».
Saint Saturnin lès Avignon, 22-23-24 mai 2010
Sources bibliographiques :
Moshe Feldenkrais, Energie et bien-être par le mouvement, éditions Dangles
Newton, De la gravitation, suivi de Du mouvement des corps, éditions Tel Gallimard
Hegel, Phénoménologie de l’esprit, Volumes I et II, Folio Essais - Charles Darwin, L’origine des espèces :http://classiques.uqac.ca/classiques/darwin_charles_robert/origine_especes/origine_especes.html
Bertrand Méheust, Pourquoi la gauche a-t-elle perdu l’irrationnel ? Le Sarkophage, n°18 ; 15 mai au 17 juillet 2010

7. Vers une médecine intégrée, préventive, pédagogique et curative[1]


Par Xavier Lainé[2]
Il me faut préciser donc, puisque l’invitation m’est faite de proposer une avancée concrète vers ce que je nomme une prévention éducative à la santé, ce que j’entends là, sur quoi se fonde le propos, ce que pourrait être le projet.
Notion de santé
Il est devenu courant de n’utiliser que le terme de santé sans en préciser les contours.
Revenons donc à cette définition, paraphée par la plupart des grands états, dont le nôtre, dès lors qu’ils adhèrent à l’Organisation Mondiale de la Santé : « La santé est un état de bien être physique, mental, économique et social ».
Dès lors, limiter le propos sur la santé à l’approche et la mise en pratique des soins lorsque les citoyens l’ont perdue, me semble relever d’une limitation objective du propos et nécessiter de clarifier le débat afin que nous nous entendions bien sur les termes employés.
L’incompréhension vient parfois du fait que nous ne parlons pas la même langue tout en croyant le faire.
Clarifions donc : le terme de santé englobe une réalité bien plus vaste que celle du soin.
Or, depuis bien longtemps notre pays a troqué la notion de santé publique contre ce que l’on pourrait nommer une politique soignante. Depuis, le glissement sémantique s'est clairement répandu dans le langage de nos concitoyens: la santé n'est plus ce que nous devons préserver ou retrouver, mais le soin à apporter lorsque, justement, elle nous fait défaut...
Un tel glissement ne me semble pas tout à fait innocent, et permet allègrement de considérer la véritable santé comme un état d'absence de pathologie, ou de pathologie potentielle, ce qui n'est pas rien et rejoint la préoccupation des grandes sociétés pharmaceutiques qui en viendront peut-être à considérer la vie même comme un phénomène pathologique si nous continuons sur cette pente...
Politique de santé publique n’est pas antinomique d’une gestion éclairée des dispositifs soignants
Paradoxe de plus en plus reconnu : alors que la technicité médicale a progressé à grande vitesse, permettant des prouesses technique performantes, les budgets sociaux s’envolent, et nul ne s’aventurerait à prétendre que la population puisse être globalement en meilleure santé.
Bien sur, on pourra avancer l’allongement de l’espérance de vie, la chute de la mortalité infantile et autres nettes améliorations permises par ces avancées technologiques.
La situation pourtant semble bien plus contrastée que ce que les discours de victoire nous dépeignent.
On a pu, jusque dans les années quatre vingt dix, considérer ce triomphalisme comme certain.
Or, assez brutalement, avec la précarisation pandémique des conditions de vie, les éclatements familiaux et affectifs, l’industrialisation de l’agriculture, les exclusions sociales et économiques, la pression exercée sur le monde du travail visant à obtenir la plus haute rentabilité au coût le plus bas, on a vu peu à peu apparaître des formes de pathologies de moins en moins expliquées et explicables.
Acteur sur le terrain, recevant de nombreuses personnes, je vois bien comment, malgré une offre de soin en apparence de plus en plus performante, la santé des uns et des autres se dégrade à une vitesse incroyable depuis une dizaine d'années...
Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous somme capables de soigner, mais aider à cet acte de rémission[3] qui permettrait la guérison, ou du moins l'apprentissage de meilleurs comportements capables d'enrayer les rechutes, et leur cycle infernal vers le handicap et l'exclusion reste un vœu pieux...
On le voit, tant dans « l’épidémie des TMS (troubles musculo-squelettiques) » que dans celle des suicides en de multiples entreprises. Ce n’est que la partie visible de l’iceberg.
Je ne tiens pas à dire que mon expérience de terrain nous éclaire d’une vérité universelle. Il faudrait que nous soyons en mesure de sonder en chacun de nos cabinets, hôpitaux, centres de soin pour nous faire une idée claire de la situation.
Des articles viennent montrer que les professions de santé ne sont pas à l’abri de cette dégradation.
Est-ce qu’il faudrait incriminer la médecine d’être ce qu’elle est et de ces échecs ? Je pense que non. Je me souviens seulement, dans les années soixante dix, étudiant en médecine, avoir souvent manifesté (et je n’étais pas seul) mon inquiétude devant l’enseignement qui nous était fait d’un art d’où l’humain s’était comme absenté. Je me souviens avoir déserté des stages hospitaliers, en région parisienne, parce que je ne supportais pas que l’on me demande de réparer le « genou fenêtre 118 ». On me disait que j’avais le tracassin lorsque mes protestations se faisaient véhémentes. Ce qu’il fallait, c’était rentrer dans le rang d’une insensibilité croissante à tout ce qui sous tend toute pathologie : c'est-à-dire insensible à la vie qui palpite, se bat, parfois s’acharne et se cramponne et qui fait que nous sommes qui nous sommes, y compris dans la forme et l’organisation de notre biologie, physiologie.
On ne peut donc reprocher aux soignants un savoir qui ne leur a jamais été donné, sauf, comme je l’ai fait durant ces trente années d’expérience, à tourner, dans la solitude d’une pratique professionnelle au rythme assourdissant, et chercher par soi-même les élément de compréhension d’une complexité qui nous échappe sans cesse, pour la bonne et simple raison qu’elle ne fait pas partie (encore) des cursus de formation.
Peu à peu, la politique de soin public n’a plus regardé les êtres de chairs, d’os et d’esprit qui sont son objet, que comme des structures morcelées. Les réponses se font partielles, voir partiales, faute de pouvoir et de savoir lever la tête et regarder au-delà de l’immédiate souffrance afin de découvrir comment guider au mieux les patients vers le mieux qu’ils recherchent. Contraints à la productivité pour survivre, nombre de soignants ne sont plus alors que les dispensateurs d’une technique sensée être efficace, sauf à tomber sur le « mauvais patient » récalcitrant ou rebelle aux thérapies toutes faites.
C’est sans doute une des raisons qui font que l’hôpital, depuis vingt ans au moins, court après une humanisation introuvable. Lorsque la personne arrive à l’hôpital, elle est en situation de détresse telle, faute d’avoir appris à se prémunir, que, les carences de personnels aidant, les plus belles techniques ne suffisent plus à répondre.
Deux axes de réflexions pour innover
1. Ouvrir le soin à une pédagogie de la rémission[4]
Dans une situation qui semble bloquée, les facteurs d’ouverture existent. Les patients l’ont d’ailleurs pressenti qui font le choix, de plus en plus souvent, et parfois sans le dire par crainte d’être jugés, d’allier médecine allopathique et pratique dites alternatives, non sans résultats (officieux car aucune recherche n’est ouverte sur de telles alliances).Chaque médecine, dans un contexte de suspicion mutuelle, en arrive à se regarder en chien de faïence, guettant le faux pas de l’autre pour mieux gloser sur son échec.
Il s’agit là d’une attitude suicidaire qui jette les patients, en quête d’une autre prise en compte d’eux-mêmes, entre les griffes d’un nombre croissant de gens plus ou moins bien formés. Une telle situation est dangereuse à de multiples points de vu.
Des expériences sont menées dans le monde, au Brésil, à New-York, Montréal, en Inde de clinique et services hospitaliers proposant, non sans résultats intéressants, les services conjugués des deux médecines, voire (en Inde en particulier où sont proposés les soins ayurvédiques) ceux des médecines traditionnelles. On sait qu’en Europe comme en France, sous l’impulsion de personnalités éparpillées, des expériences sont menées d’utilisation, par exemple, de l’acupuncture, de l’hypnose Ericksonienne, de la sophrologie dans certains services, avec un succès non négligeable mais fort peu mis en valeur.
L’avenir est dans la réconciliation et non dans les renoncements et suspicion. L’urgence est à l’alliance pour apprendre aux patients les voies de sa rémission et non dans des querelles de clocher sans intérêt qui vouent toutes nos pratiques à l’échec, faute de remettre dans le champ de notre attention l’humain.
2. Passer d’une prévention axée sur les pathologies avérées à une pédagogie de la santé
Parallèlement à la mise en place d’une expérience pilote de médecine intégrée, je suggère de considérer l’impérieuse nécessité de changer de point de vue dans le domaine de la prévention. On connaît la prévalence des facteurs environnementaux, affectifs et sociaux sur l’apparition d’un certain nombre de cancers, la survenue des TMS, l’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle, etc.…
Les opérations menées à grand renforts médiatiques ont certes une certaine efficacité. Mais comment expliquer que, parallèlement la presse fasse état d’une véritable épidémie de ces mêmes maux que la prévention telle que proposée est sensée expurger ? Interrogé à la suite d’une visite en entreprise où tout avait été exploré dans le domaine de l’ergonomie, et de l’école du dos pour prévenir les TMS, sans que pour autant ceux-ci ne soient enrayés, je me suis permis d’avancer l’idée que si le corps ressenti est aux abonnés absents, il n’est aucune raison qui justifie l’utilisation des méthodes apprises.
Combien de pathologies pourraient être évitées si nous combattions avec ardeur l’ignorance terrible de nombre de nos contemporains. Un article récent dans le journal Le Monde soulignait l’absence, en France d’une juste place pour le corps ressenti. Nous existons à côté de cette partie essentielle de nous-mêmes, ne lui reconnaissant une place qu’une fois la blessure présente.
Je suggère qu’une médecine du XXIème siècle soit d’abord une médecine qui réintègre sa fonction enseignante, préventive. Comme pour les médecins des lumières, nous avons pour devoir d’apprendre à nos patients l’art de prendre soin d’eux et de préserver leur santé. Pour ce faire, nous avons besoin, pour nous-mêmes, de réhabiliter cette notion de corps vécu et ressenti pour mieux comprendre ce qui se trame dans l’organisation de ces patients qui nous font confiance.
Nous sommes soumis à une pression énorme qui nous empêche d’y voir clair : il nous faut survivre, si nous faisons en conscience notre travail, avec des honoraires bien faibles eu égard à la responsabilité qui est la nôtre. Cette misère endémique contamine la qualité de notre ouvrage en nous poussant à une « productivité » qui privilégie la prescription aux dépends de la qualité relationnelle. Cette situation porte en elle le germe d’un affaiblissement global de toutes les capacités soignantes. Œuvrer à une éducation à la prévention et à la santé pourrait être un outil de désengorgement, accentué par l’existence d’une médecine intégrée qui allierait au soin les tâches pédagogiques propres à permettre la rémission[5], la résilience[6].
Conclusion
Il me semblerait trompeur de réduire des "Etats généraux de la santé" et leurs implications concrètes dans une mise en relief des besoins citoyens dans le domaine de la santé à une seule réflexion sur l'accès pour tous au soin. Sans dénier l'urgence à réagir face au potentiel éloignement des structures sanitaires, laissant ainsi des franges de plus en plus importantes de la population sans accès égalitaire aux soins, mon approche est une invitation à aller plus loin et à envisager une véritable politique de santé publique qui fasse de chaque intervenant, en amont ou en aval de l'hôpital, un véritable éducateur de santé afin que nos concitoyens se sentent épaulés dans un parcours responsabilisant de maintien voire d'amélioration de leur état de santé au sens mentionné dans les chartes de l'OMS, déjà citée ci-dessus...
C'est cet engagement qui devrait primer sur tous les autres, ou du moins englober tous les autres. A défaut, nous n'aurons plus qu'à pleurer sur les déficits endémiques générés par un système de soin qui aura failli à sa vocation première qui est de prévenir, plutôt que de guérir...Ces jours derniers, Elie Arié, professeur de médecine, publiait sur le blog du journal Marianne un propos justifiant la fermeture de structures hospitalières au nom de la rentabilité et de la sécurité. La grande majorité des commentaires tentaient de défendre, à juste titre les hôpitaux et le dévouement de leur personnel. Je fus frappé de constater que très peu posèrent le problème d’un élargissement du débat.
Je vous livre ici la réflexion que cette opinion m’a suggérée :
« Une autre solution, bien plus ambitieuse serait d'envisager enfin une vraie politique de santé publique et nom les politiques comptables du soin telles qu'elles nous sont proposées depuis des lustres sans aucun résultat. Que pourrait être une vraie politique de santé publique? Celle qui favorise le maintient en bonne santé plutôt que le traitement des pathologies. Celle qui éduque et non celle qui assujettit. Celle qui responsabilise ceux qui veulent apprendre à gérer leur santé sans attendre que le train déraille. Celle qui regarde les causes possibles d'une santé qui globalement se dégrade quant, paradoxalement, la technicité médicale s'accroit. Celle qui ne culpabilise pas les accidentés de la vie en leur donnant tous les outils, dans le cadre d'une médecine intégrant toutes les facettes, toutes les connaissances, des plus traditionnelles aux plus récentes.
Qu'il est bon d'être poète et rêveur en un temps où tout est possible, à condition de quitter les œillères de l'économisme et du scientisme. Car on le sait, l'économisme n'est pas l'économie, comme le scientisme n'est pas la science, mais leur dévoiement au service d'une technocratie qui ne connaît plus rien de l'Homme. »
Notes:
[1] Cet article a été écrit suite à une rencontre avec le Collectif Réa de la ville de Manosque. Il semble qu'un tel propos ne laisse pas indifférent les citoyens actifs, réunis en son sein. C'est sans doute une utopie que de souhaiter contribuer à la mise en place d'un hôpital de médecine intégrée dans une ville aussi petite. Mais nous pourrions, à l'occasion de l'ouverture du nouvel établissement inauguré ces jours-ci, y jeter les ferments d'une médecine d'avenir et d'une prévention au sens large.
Ce colletif devait tenir une réunion de oncertation avec des médecins du département et m'avait demandé d'être présent à cette rencontre. Ne pouvant me libérer, je leur ai fait parvenir ce texte. IL faut que les idées fassent leur chemin......
[2] Xavier Lainé est écrivain, membre de la SGDL et de la SACD, Kinésithérapeute DE depuis 1981 (salarié puis libéral), membre du syndicat Alizé, Praticien Feldenkrais certifié, membre de l’association Feldenkrais France, ancien syndicaliste salarié, ancien Conseiller Prud’hommes, ancien président du Conseil des Prud’hommes de Digne.
[3] Il me faudra revenir sur ce terme, fortement usité en cancérologie, que je sors ici de son contexte.
[4] Voir note 3 ci-dessus.
[5] Voir note 3
[6] Le terme de résilience, essentiellement emprunté à Boris Cyrulnik mériterait en lui-même d’être développé.