dimanche 2 septembre 2012

Vers une écologie de la personne (Introduction)


Si nous considérons que nous sommes au fond, constitués d'une quantité de cellule organisées en populations pacifiques, que de cet ordre cellulaire, dans certaines conditions environnementales, peut émerger une pensée, un imaginaire, une histoire façonnant des attitudes et des concepts, des comportements et des structurations psychiques, une conscience et un inconscient, nous voici devant un système complexe.
La définition même d'un tel système est quil ne peut en aucun cas être réduit à chacune de ses parties, mais que son état d'équilibre ou de déséquilibre va dépendre de son entropie, qu'en ce qui concerne les fonctions biologiques nous pourrions assimiler à son homéostasie.
De cet équilibre instable, amené sans cesse à se déséquilibrer pour rechercher un nouveau stade de stabilité, naît ce que Francisco Varela nomma une autopoièse, une capacité à s'auto-créer, à se recréer, et à apprendre, permanente.
Nous voici, de fait, devant ce que l'on pourrait nommer une "écologie" de la personne : l'étude de chaque partie venant éclairer le fonctionnement du tout, l'observation de celui-ci pouvant contribuer à une certaine compréhension de chaque détail.
Entrer en apprentissage, ce serait, dans cette vision, par l'introduction de données inhabituelles, permettre à notre système d'entrer, à partir du déséquilibre momentanément provoqué, en recherche d'une nouvelle organisation capable de rétablir son homéostasie.
Soigner, ce serait alors, agir sur un détail, sans tenir compte de l'ensemble dont celui-ci fait partie, pour en changer la nature, sans rien savoir des déséquilibres que ce changement peut potentiellement engager.
Dans les deux cas, nous sommes devant une question. mais dans le premier agencement, il s'agit de faire confiance au système pour chercher son rétablissement, dans l'autre, lui imposer un changement sans garantie concernant ses effets.
Nos mouvements, sont, du fait de cette organisation complexe, et des capacités d'apprentissages et de réajustements que notre histoire implique, le résultat de celle-ci. ce qui rend plus lisible le fait qu'il n'est pas deux êtres humains qui bougent et évoluent dans l'espace de la même manière, même si chaque mouvement, décomposé en séquences, peut montrer quelques points communs.
La Méthode Feldenkrais, en se préoccupant de l'organisation de nos mouvements, s'adresse à quelque chose d'inattendu en nous. Elle nous invite, par des petits mouvements ou séquences de mouvements inhabituels, à mettre, momentanément en doute nos habitus de mouvement. de cette mise en cause minime et sans danger, jaillit pour le système complexe qui nous caractérise, l'impérieux besoin de changer quelque chose, sans présager de la localisation de ce changement : pour certains, ce sera un changement dans la vie, dans l'organisation du travail, ou, de façon plus pragmatique, une réorganisation de sa gestuelle.
Tout ceci participe, non d'une manipulation de la personne, puisque le rythme et les besoins de chacun sont respectés, mais d'une invitation à entrer dans l'observation de soi, base d'éventuelles modifications auto gérées. Comme l'invitation est à rechercher sans cesse une qualité confortable des gestes, la recherche de changement ira, elle aussi dans le sens du confort maximal, celui-ci nous engageant dans la libération, par une plus grande confiance en nos capacités systémiques, de nos fonctions créatrices.
Mais point d'idéalisation à attendre, car pour que notre système apprenne ce qui fait référence au confort, il lui faut aussi apprendre à différencier ce qui relève de son inconfort. Ne soyez donc pas étonnés si, parfois, au détour d'une séance, vous ne trouvez pas la "zen attitude", c'est qu'il vous faut apprendre à distinguer entre le bien et le mal pour apprendre à faire un usage maximal du premier.
Et parfois, lorsqu'un équilibre écologique est rompu, il faut du temps pour que la vie lui invente un nouvel équilibre.
Xavier Lainé
Manosque, 15 novembre 2010

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire