dimanche 2 septembre 2012

2. La Méthode Feldenkrais® d'éducation somatique


Un champ disciplinaire à ouvrir, une pratique non spécifique, un facteur d’émergence « thérapique (1) »
 Article publié sur www.naturavox.fr en juin 2007
 « Ce que je cherche, ce ne sont pas des corps souples, mais des cerveaux souples ; c’est restaurer en chacun sa dignité humaine. » Moshe Feldenkrais
 Il y a ce que nous savons que nous faisons, en exerçant avec art l’enseignement reçu, pour certains d’entre nous, de Monsieur Moshe Feldenkrais par voie directe, pour d’autres, de ses successeurs : une pédagogie de l’expérience corporelle, une pratique par la réappropriation du corps ressenti et vécu…. Une pratique dont les stratégies et les effets peuvent être décrits en ce que je nommerais volontiers une « phénoménologie du corps vivant, vécu ».
Pour comprendre ce qui se passe dans la pratique d’une méthode telle que la Méthode Feldenkrais, ce qui, sur un plan théorique, pourrait être nommé une praxis, pour en cerner le processus, tenter d’en approcher la compréhension, il nous faut quitter les chemins linéaires d’une causalité qui nous est coutumière et envisager de nous engager sur les chemins incertains d’une réflexion imprégnée des théories récentes de la systémique, de la complexité et de l’émergence(2). Comme pour tout paradigme nouveau, une telle étude implique une approche à la fois phénoménologique, analytique et théorique, située dans le cadre épistémologique des avancées scientifiques actuelles.
Cette nécessité d’aller-retour continuels entre l’expérience pratique et sa formalisation théorique capables d’expliciter les phénomènes émergents représente une immense difficulté que les praticiens Feldenkrais contournent souvent : plutôt que de s’aventurer sur le terrain de l’explication, ils invitent ceux qui posent des questions à venir éprouver par eux-mêmes les effets d’une telle pratique, trouvant alors leurs propres mots pour dire ce qui relève de leur vécu.
Si la reconnaissance passe par l’expérience pratique positive partagée, elle nécessite aussi la possibilité de publier nos recherches, même réduites à une description phénoménologique qui ne nous enferme pas dans des définitions et fictions théoriques. Je vais tenter ici, dans une première étape de situer mon propos en donnant à nos recherches un port d’attache dans un champ disciplinaire identifiable. Cette identification nécessitera de nous inscrire, à partir de la description des phénomènes émergents, dans les grands courants qui animent les recherches contemporaines dans le domaine de la psychologie, des neurosciences, des sciences cognitives, des recherches fondamentales en biologie, non sans faire une référence aux théories de la complexité, de l’émergence, et environnementales.
Qui était Moshe Feldenkrais ?
 Né en 1904, aux confins de la Pologne et de l’Ukraine, Moshe Feldenkrais (1904-1984), a été imprégné très jeune par les débats et courants marquants de la communauté juive à laquelle appartenait sa famille. Dans cette Europe orientale d’avant la révolution de 1917, les communautés juives étaient marquées par une forte identité, et vivaient à la fois dans une réalité quotidienne imprégnée de solidarité et par de forts courants communautaires, certains préconisant l’intégration dans le pays, d’autres recherchant la possibilité d’un retour à la terre promise.
Pour la plupart, les juifs installés sur les rives orientales de l’Europe, à l’est de Cracovie, étaient d’origine germanique. Cette communauté dont la langue particulière a aujourd’hui quasiment disparue, le yiddish, adhérait au courant hassidique(3) du judaïsme.
C’est finalement le retour à la terre promise qui l’emporte, et le jeune Moshe débarque en Palestine, alors sous protectorat britannique. Il y exerce plusieurs métiers: maçon, géomètre (il contribue à la confection des premières cartes du pays), tout en pratiquant le sport.
Influencé par la lecture qu’il fit, très jeune, des livres du biologiste Auguste Forel (1848-1931), par ses séances avec la psychologue Eva Kirschner, passionné d’athlétisme et d’arts martiaux, autodidacte en mathématiques(4), Moshe Feldenkrais vient en France étudier les sciences physiques. Il y fait la connaissance de Paul Langevin (1872-1946)(5), de Frédéric Joliot-Curie (1900-1958)(6) et travaille dans son laboratoire. Il fonde, avec Jigorō Kanō (1860-1938), le Jujitsu club de France, ancêtre de la fédération de Judo, créée en 1947, introduisant ainsi le judo(7) dans notre pays. Il fut l’une des premières ceintures noires européennes.
La guerre et l’avancée allemande aux portes de Paris le mènent alors en Angleterre où ses références scientifiques lui permettent de travailler dans les services secrets de la marine britanique. C’est là que sa passion pour ce qui n’est pas encore la neurophysiologie, jointe à sa passion des arts martiaux et à sa rigueur de physicien le mène à ébaucher les premières esquisses de sa méthode, anticipant sur les connaissances à venir en biologie, neurologie, physiologie, cybernétique et l’étude des systèmes complexes.
Ainsi donc, les lois de la mécanique, c’est-à-dire du mouvement des corps dans le champ de la gravitation, les facultés d’apprentissage du système nerveux central et les principes fondamentaux des arts martiaux japonais constituent les bases sur lesquelles Moshe Feldenkrais a mis au point sa méthode.
Feldenkrais a fait le constat suivant: nos limitations dans l’ampleur ou la fluidité d’un mouvement ne proviennent pas toujours de limites mécaniques au niveau des articulations. Nos limitations dans le mouvement proviennent souvent de la façon dont le système nerveux central organise le mouvement, sous l’influence, le conditionnement d’un certains nombre de schémas habituels acquis.
Or, le système nerveux central est un système qui apprend en permanence de l’expérience vécue. Ainsi, l’organisation d’un mouvement n’est jamais figée et peut se modifier.
Entre les années 1940 et le début des années 1980, Feldenkrais a conçu des milliers de leçons qui donnent au système nerveux central des informations pertinentes et lui permettent de mieux organiser certains mouvements. Chaque leçon crée les conditions pour que les élèves vivent une expérience d'eux-mêmes en mouvement, qui amène leur système nerveux à intégrer cette expérience pour l’utiliser dans d’autres mouvements.
Les fondements de la méthode: Intégration fonctionnelle et Prise de conscience par le mouvement.
Deux manières complémentaires sont à la disposition des élèves pour approfondir leur apprentissage:
- Le leçons de Prise de conscience par le mouvement (PCM), dispensées en groupe. L’enseignant propose verbalement des séquences de mouvements au cours desquelles les élèves sont invités à explorer et interroger par la sensation leurs propres schémas habituels(8).
- Les leçons d’Intégration fonctionnelle (IF) sont destinées aux particuliers et élaborées dans le même esprit que les PCM, mais le praticien dialogue par le toucher avec son élève.
Les manipulations habiles, très douces et sécurisantes, jamais fortes, intrusives ou menaçantes, attirent l’attention de l’élève sur le lien entre sensation et mouvement.
Ces deux formes d’enseignement par des mises en situation somatiques inhabituelles, par des effets de relaxation et d’éveil de la curiosité, favorisent une stimulation des capacités autorégulatrices de l’organisme, l'amenant vers une organisation de ses activités plus efficace et adaptée aux besoins individuels.
Les médias, lorsqu’ils parlent de la Méthode Feldenkrais, la rangent tantôt dans les gymnastiques douces, tantôt dans les thérapies alternatives, plus rarement dans les pédagogies corporelles. Cette difficulté à nous classer provient du fait d’une pratique hors cadre, ou sortant des cadres habituels sous lesquels le corps est envisagé. Moshe Feldenkrais lui-même n’a pas donné de définition claire et précise de son travail, préférant l’aborder sous des aspects diversifiés, cherchant sans cesse de nouvelles portes d’entrée permettant d’élucider sa pratique, mais revenant sans cesse à la pratique elle-même, rejetant même parfois l’idée même d’une définition de son travail. Dans la plupart de ses écrits cependant, il aborde à de nombreuses reprises le thème qui lui est cher d’une éducation en vue de parvenir à une forme de maturité par une organisation optimale de l’être dans toute sa complexité.
Cette réalité complexe nécessite de faire un retour sur l’héritage, sur ce qui aujourd’hui façonne la réalité des pratiques de la méthode, de démêler l’écheveau d’une pédagogie hors du commun sur laquelle peu de pédagogues se penchent, dans un monde scientifique qui vient, à postériori confirmer bien des thèses soutenues par Moshe Feldenkrais. Sans doute faut-il puiser, dans son discours et son enseignement, un fil conducteur qui, avant l’ère de l’informatique ou dans ses premiers balbutiements, se trouve dans une forme d’organisation des systèmes de transmission de l’information par portes d’entrées diversifiées, le lecteur devant suivre par lui-même le sens qui lui convient.
Il n’y a donc ni début, ni fin. Le seul fil conducteur est ici le vivant dans toute sa complexité. Chacun peut puiser dans cette pratique un champ d’apprentissage susceptible de le nourrir, tant dans les domaines artistiques, sportives, scientifiques, philosophiques ou tout simplement dans son art de vivre. Il ne s’agit donc pas de simplement se tenir en bonne posture, ou en bonne santé, mais de découvrir comment, dans ce lien intime du corps et de l’esprit, la vie elle-même n’est qu’un long processus d’apprentissage.
L’héritage, ou la formation mouvementée de praticiens internationaux(9)
Rapidement, Moshe Feldenkrais, à partir de 1950, se trouve engagé dans des activités croissantes liées au succès de son projet. La maturation et le développement de sa méthode l’occupent très largement. Il envisage alors de former certains de ses élèves à sa pratique et de donner ainsi une forme de pérennité à ses recherches.
En 1960, il forme un petit groupe d’israéliens à la pratique individuelle de son travail qui ne s’appelle alors pas encore Intégration Fonctionnelle, puis aux leçons de groupe encore balbutiantes. Parmi ces praticiens de la première heure on trouve Mia Segal, Myriam Pfeffer ou Yochanan Rywerant. Cette formation se termine en 1969. Une quinzaine de praticiens sont alors formés par Moshe lui-même. Se pose alors la question de la diffusion de ces pratiques acquises et du contenu que devrait avoir la formation professionnelle des futurs praticiens.
C’est aussi dans cette période que Franz Wurm, un ami de Moshe Feldenkrais formé à l’enseignement des groupes crée en Suisse le Feldenkrais Institut de Zürich, alors que, en Californie, se produit un bouillonnement culturel et scientifique d’où émergent toutes les grandes méthodes d’éducation somatique que nous connaissons aujourd’hui : massage « californien », Rolfing de Ida Rolf, méthode du docteur Trager, programmation neuro-linguistique (PNL) de Bandler et Grinder.
C’est là aussi que Gregory Bateson(10) (1904-1980) et Milton Erikson secouent la psychothérapie, et que, autour de Von Foerster et Carl Pribram, des recherches et des rencontres se produisent entre les balbutiements de l’informatique et de l’intelligence artificielle et les études sur le vivant en biologie, neurologie et ce que seront plus tard les sciences cognitives.
Dans ce milieu, Moshe Feldenkrais trouve le terreau propice au développement de ses recherches. Il est invité à de multiples reprises à des rencontres avec les scientifiques et chercheurs de l’Université de Novato, en particulier par Thomas Hanna, professeur de philosophie et premier théoricien de l’éducation somatique.
A l’invitation de celui-ci, Moshe Feldenkrais met en place une deuxième formation de praticiens à San Francisco qui se terminera en 1977. Avec les praticiens de cette formation, il fonde la Feldenkrais Guild dont le siège sera longtemps à San Francisco.
A la fin des années 70, deux pôles d’activités existent pour la pratique de la méthode : Israël et la Californie. Même si des praticiens de la première heure circulent en Europe, tels Gaby Yaron, Myriam Pfeffer, Mia Segal ou Moshe Feldenkrais lui-même, l’implantation ne se fera que tardivement sur le vieux continent.
En 1980, Moshe démarre une nouvelle formation à Amherst, près de Chicago, aux USA. Il ne terminera pas celle-ci, les assistants formés à Tel-Aviv devront prendre le relais, la quatrième année se partageant pour une partie des deux cent étudiants à Tel-Aviv, pour l’autre à Amherst.
Il meurt à Tel-Aviv début juillet 1984, non sans avoir créé, avant son départ, à Washington, une fondation, la Feldenkrais Foundation, chargée principalement de gérer les bandes vidéo enregistrées à Amherst sur l’insistance de Jerry Karzen.
Mia Segal donne des cours intensifs en Europe avec l’autorisation de Moshe Feldenkrais. Elle poursuivra ce travail après le décès de celui-ci. Tandis que l’ensemble des documents écrits, audios et visuels laissés dans son appartement de Tel-Aviv sont gérés par l’Institut Feldenkrais, des formations se mettent en place à Munich, Paris, Neuss (Allemagne), Tel-Aviv, sous l’égide de la Feldenkrais Foundation. La même année, les praticiens allemands se dotent d’une Guilde Feldenkrais. Ils seront les premiers.
Dès 1986, la Feldenkrais Guild américaine se pose le problème de la qualité des formations professionnelles et fonde un Bureau d’accréditation des Formations (TAB) dont l’objet est d’assurer le niveau qualitatif des formations, la nomination des assistants et formateurs, sur le modèle adopté par Moshe pour la formation de Amherst. De nouvelles formations débutent à San Diego, Sydney, New-york, Munich, Neuss et Francfort., tandis qu’en 1987, les praticiens français, italiens, suisses et australiens s’organisent à leur tour en associations nationales.
C’est sur cette lancée, alors que le nombre de praticiens dans le monde ne fait que s’accroître, que les structures internationales Feldenkrais, de conférences en conférences, se complexifient, les responsabilités sont peu à peu réparties à différents niveaux dont principalement l’Europe et les Etats-Unis. Des scissions se font jour, Mia Segal et Yochanan Rywerant créant des formations non accréditées dont les organisations internationales, cependant, reconnaissent la validité.
Les années 90 et 2000, devant le nombre croissant de praticiens actifs, voient le débat se renforcer autour de la validité des modèles en cours, la recension des thèses et écrits sur et autour de la méthode au niveau international, l’impulsion de réflexions en profondeur sur la nature du travail et des recherches entrepris, sans toutefois réussir à se dégager des modèles laissés par le fondateur.
Les formations se font toujours en quatre années, animées par les formateurs des origines (ceux formés à Tel-Aviv, San Francisco et Amherst), assistés de praticiens reconnus par les organismes internationaux comme ayant une expérience suffisamment approfondie de l’enseignement.
Les découvertes scientifiques dans le champ des neurosciences, de la neurophysiologie, des sciences cognitives et de la psychologie depuis une vingtaine d’années venant valider un certain nombre de pistes de recherches de Moshe Feldenkrais(11), l’heure serait venue de compléter l’approche strictement pratique de la méthode par des recherches et mises en lien capables de développer un questionnement scientifique et philosophique, sans pour autant enfermer la pratique dans un encadrement théorique qui lui ferait perdre son identité, ce que Moshe Feldenkrais lui-même a toujours refusé.
Dissiper le flou entre thérapie et enseignement
La Méthode Feldenkrais ne revendique pas d’être une thérapie, mais une pédagogie au service de la connaissance de soi. Ses praticiens se définissent pratiquement tous comme des enseignants, et, pour ceux qui ne sont pas issus du monde médical ou paramédical, c’est sous cette étiquette que l’administration fiscale les reconnaît, dans la rubrique « autres enseignements ».
Si de nombreux articles de la presse font état de la méthode comme d’une « gymnastique douce, d’autres, ainsi que des ouvrages (dont le plus récent est celui de Monsieur Thierry Janssen(12), tentent d’accréditer l’idée que notre méthode aurait quelques vertus thérapeutiques et trouverait donc des champs d’application précis dans des domaines tels que la rééducation, la rhumatologie, la traumatologie, la neurologie, etc., réduisant même la portée du travail en supprimant le mot méthode pour le remplacer par celui, plus clair aux yeux de nos contemporains, de technique.
Cette difficulté est liée au schisme entretenu depuis fort longtemps entre ce qui relève du corps et de l’esprit. Dès lors que certains se trouvent soulagés, la tentation existe de considérer la méthode qui a contribué à ce soulagement dans la catégorie des techniques de soin. Or, le praticien que je suis est bien convaincu d’avoir à sa disposition une pratique qui lui permet d’entrer dans un état d’écoute particulière qui, par un toucher respectueux, sans perdre le lien d’une attention à moi-même, permet à mes mains de chercher ce que l’élève, dans l’organisation même de son être somatique, allongé sur la table, pourrait bien avoir besoin d’apprendre. Une telle relation d’écoute, un tel dialogue entre les mains et l’élève peut être identifié comme une relation empathique(13).
Une leçon collective vue de l’extérieur ressemble à s’y méprendre à un cours de gymnastique, sinon que l’attention est portée, moins sur le résultat à atteindre que sur le processus mis en œuvre, moins sur le mouvement lui-même que sur la manière d’effectuer celui-ci.
Où se situe donc la différence ? Quid donc que la Méthode Feldenkrais ? Une méthode révolutionnaire(14) ? Une technique qui ne dit pas son nom ? Une gymnastique à classer dans les rayonnages de la vague new age ?
Il est étonnant d’observer ce besoin de réduire qu’éprouvent nos contemporains, et particulièrement ceux qui ont pour vocation de fixer les règles propres au fonctionnement de l’état. Dès lors qu’il s’agit de réglementer, ou de reconnaître, il faut faire entrer la méthode dans le moule étroit des catégories déjà existantes. C’est ainsi qu’à vouloir organiser la psychothérapie on en vient à nier l’indispensable expérience personnelle acquise par le psychothérapeute dans la connaissance de lui-même, gage de la qualité de la relation qu’il pourra établir avec son patient.
La croyance en la validité universelle du diplôme, aux dépends de la motivation à l’obtenir est le ferment d’une conception réductionniste du monde et de la pensée, du vivant et de l’environnement dans lequel il évolue.
Il y a bien quelque chose de plus à découvrir, et si nous rencontrons tant de difficultés, c’est que nous avons l’habitude de raisonner en termes linéaires, en cascades de causes et d’effets, et que nous hésitons à nous démarquer d’un cartésianisme réducteur pour nous confronter à la réalité complexe du vivant.
Moshe Feldenkrais lui-même, avant de partir, se passionnait pour la cybernétique et les débuts de la systémique, non comme des théories expliquant son travail mais comme des éclairages utiles à la compréhension de son œuvre. Il a ainsi incité certains de ses élèves à explorer cette voie. Ce qu’ils firent(15).
A partir de la Méthode Feldenkrais : un champ disciplinaire à ouvrir et à découvrir
La Méthode Feldenkrais n’est pas la seule à pouvoir revendiquer une reconnaissance, mais , même si, de toutes les méthodes d’approches corporelles, elle est celle qui bénéficie d’une aura d’ouverture particulière, elle n’est pas la seule à pousser ses recherches dans ce que Thomas Hanna, philosophe, a appelé la somatique(16).
L’Eutonie, la Méthode Alexander, l’anti-gymnastique de Thérèse Bertherat(17), la Thérapie des cuirasses de Marylise Labonté, le Body-mind Centering de Bonnie Bainbridge Cohen(18), la Méthode Mézières, et j’en oublie, toutes ces méthodes, ces approches cherchent, non pas à s’occuper du corps comme objet de toutes leurs attentions, mais à réintégrer l’être dans sa globalité. Toutes ces approches ont pour caractéristique de travailler à une réunification du corps et de l’esprit s’il en était besoin, ou, à tout le moins, demandent à leurs élèves, à leurs pratiquants, de prendre en compte leur « incarnation(19)» comme une réalité incontournable de la constitution d’une image de soi cohérente et efficiente.
Toutes ces approches cherchent à appréhender une dimension holistique du vivant en lien avec son environnement. C’est ce que Thomas Hanna, a la suite de Gregory Bateson a théorisé comme étant le champ de la somatique, terme hérité du grec « soma », qui désigne le corps(20).
Tournant le dos à l’interdit du toucher et au tabou du corps réduit à être le jouet de notre inconscient, les héritiers de Wilhelm Reich, de Groddeck, et d’autres, sont partis intuitivement à la découverte d’une dimension de l’être dont le corps est le lieu d’expression.
Moshe Feldenkrais a, lui, considéré que le corps est le lieu privilégié d’inscription de la réalité du vivant dans son environnement, mais aussi que l’organisation de ses mouvements est, alors, une des caractéristiques de son adaptation à celui-ci, l’interaction entre l’un et l’autre étant considéré comme une apprentissage, un conditionnement propre à chaque être humain(21).
Son intuition fut de considérer, avant même que les neurosciences viennent le confirmer, la plasticité du système nerveux et son rôle dans les réseaux cognitifs d’adaptation et d’apprentissage, la cohésion du système vivant se faisant non par la prédominance d’une partie sur une autre mais par l’interconnexion et l’échange d’informations au sein de ce système. Nous voici donc aux portes d’une approche complexe du vivant, et la rencontre avec les thèses chères à Francisco Varela dans ses recherches en biologie, relayées au plan de la neurophysiologie par Antonio Damasio(22) est ici inévitable.
Encore une fois, il ne s’agit pas de réduire l’approche somatique à la lumière des dernières recherches scientifiques, mais d’en percevoir l’éclairage. Il ne s’agit pas de réduire la complexité mais bien au contraire, comme nous y invite Edgar Morin(23), à l’appréhender comme une dimension incontournable de ce qui nous caractérise comme êtres vivants et agissants dans notre environnement.
Il s’agit donc de constater l’émergence, à travers ces recherches, ces approches, ces pratiques, d’un champ disciplinaire, encore inexploré en Europe, capable d’englober chaque voix pour ce qu’elle est. Il ne s’agirait alors pas de revendiquer une reconnaissance de chaque méthode comme seule détentrice de ses propres vérités, mais bien de considérer qu’il est une dimension pédagogique, liée à l’expérience vécue(24), dont toutes ces méthodes peuvent se réclamer, ce que nos amis du Québec ont su réaliser sous l’égide de leur Regroupement pour l’Education Somatique(25), et officialiser avec la création d’un DESS d’Education Somatique au sein du département de danse de l’Université de Montréal.
Une méthode non spécifique où puiser un contact renouvelé à soi.
On le voit donc, il s’agit moins de répondre à des inconforts par une volonté expresse de trouver une solution aux difficultés rencontrées, que d’observer en quoi ceux-ci, liés ou non à des pathologies, se traduisent dans l’organisation somatique de l’élève, de lui permettre de découvrir les réponses somatiques qu’il a dû élaborer pour s’adapter à son environnement, lui permettre d’accéder par simplification progressive de ses mouvements à une organisation gestuelle plus optimale, capable de l’aider à quitter des schémas autodestructifs et aller vers des formes d’organisation plus aptes à maintenir les grands équilibres internes vitaux (maintient de l’homéostasie).
Mais, disant cela, me voici contraint à une réduction linéaire du travail peu satisfaisante. Car l’adaptation ne se fait pas seulement au plan gestuel, il s’agit bien d’une implication de l’ensemble de la personne dans une évolution qui lui est propre et qui le concerne dans chaque élément du système qui le caractérise.
Difficile donc de limiter la portée de la pratique Feldenkrais à telle ou telle visée, à tel ou tel domaine. Car en s’adressant au mode d’organisation somatique de la personne, l’influence des réorganisations peut aussi bien émerger sur le plan strictement corporel, comme sur le plan de son organisation psychique consciente ou inconsciente, des réactions émotives, des facultés créatives, des capacités d’adaptation à des situations inédites, à des handicaps lourds, à des épreuves familiales sociales ou économiques. Chacun, avec sa motivation particulière peut venir chercher, dans sa propre pratique, dans sa propre intégration des informations reçues, la satisfaction de besoins essentiels.
Cela ne veut pas dire que pratiquer la Méthode Feldenkrais vous délivrerait de toutes les vicissitudes de l’existence. Je résiste ici encore à cette tentation médiatique de prétendre que le nirvana serait à la portée de tous les pratiquants de la méthode. Car il faut parfois en passer par des épisodes où les inconforts se font plus présents pour savoir s’en défaire, découvrir et confirmer l’usage propre à chacun de cette pédagogie hors du commun.
La Méthode Feldenkrais ne présente aucune recette pour être mieux dans sa peau, elle propose simplement, par la voie du mouvement, de devenir attentif à nos propres manières d’agir, d’apprendre à en tirer les conséquences pour s’inventer de nouveaux modes d’organisation plus efficaces, moins douloureux, plus harmonieux.
Et si effet thérapique il doit y avoir, c’est uniquement en tant que phénomènes émergent du cœur de nos apprentissages. Il s’agit donc moins de chercher le bien-être que d’apprendre qu’il est toujours possible d’apprendre, et de s’inventer, quelles que soient les difficultés rencontrées, de nouvelles formes de mise en action capables de nous révéler toute la force de la vie à laquelle nous sommes invités.
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Je ne conclurai pas mon propos tant il y aurait encore à écrire sur toutes les facettes de ce travail. Je propose de l’expérimenter par une petite leçon, ou en joignant le praticien le plus proche de chez vous(26). Que l’on soit médecin, kinésithérapeute, orthophoniste, comédien, chanteur ou musicien, ouvrier ou technicien, enseignant ou chercheur, que l’on cherche à apprendre pour en faire son métier ou pour simplement trouver ici de nouveaux modes d’organisation dans son travail habituel, que l’on cherche une solution à des maux éprouvés ou à de simples inconforts, nous avons tous quelque chose à puiser dans cette mine léguée par Moshe Feldenkrais. IL est bien probable qu’il se doutait, en organisant comme il l’a fait la suite des recherches, de la richesse de son œuvre, toute sa profondeur et sa subtilité. Disparu en 1984, il nous laisse un champ fécond à explorer. Gageons que nous ne sommes qu’au début d’une grande aventure.
Xavier Lainé(27); Praticien Feldenkrais certifié; Membre de l’Association Feldenkrais France
Manosque, 2 septembre 2006 – 3 juin 2007
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Annexe 1 : A propos du Hassidisme.
On distingue deux versants du hassidisme :
- le hassidisme médiéval, courant mystique à tendance ascétique, mouvement social et religieux qui se développa principalement entre 1150 et 1250 dans le judaïsme allemand à partir des villes de Ratisbonne dans le sud, de Spire, Worms et Mayence en Rhénanie. « Hassidisme » dérive du mot talmudique qui désigne le dévot (hasid) et qui dès l’origine, se réfère à la pratique assidue des vertus religieuses et éthiques. La théologie hassidique, tout en soulignant fortement la non-corporéïté et l’infinité divines, est foncièrement une théologie de l’immanence. Le hassidisme médiéval a fortement structuré la mentalité et les mœurs du judaïsme d’Allemagne et du nord de la France ; il eut également une influence non négligeable sur les kabbalistes d’Espagne.
- Le hassidisme moderne & contemporain, né en Ukraine vers 1750, a eu pour initiateur le légendaire Baal Shem Tov (1700-1760) ; il compte aujourd’hui encore plusieurs dizaines de milliers de fidèles, les hassidim, groupés en des communautés qui se réclament chacune de rebs, leurs chefs spirituels, et qui s’assemblent dans des maisons d’étude et de prière (chtibel). Les évènements précurseurs du hassidisme moderne se situent autour de 1648 : le système féodal polonais se désagrégeant, les paysans ukrainiens se révoltent contre les seigneurs et les juifs, dont les plus riches sont souvent les intendants, fermiers, usuriers, cabaretiers des féodaux. La misère s’installe dans les communautés juives, touchant surtout les couches défavorisées, favorable à un rejet de la morale traditionnelle du judaïsme. L’enseignement du Baal Shem Tov, défiant les traditions intellectualistes de l’étude talmudique, réhabilitant la piété spontanée et joyeuse de l’ignare, est mal accueilli par les rabbins et les notables communautaires. Le hassidisme sanctifie aussi tous actes de vie, même les plus charnels ; il introduit la danse, des chants extra liturgiques et l’exaltation, sinon l’extase, dans les célébrations rituelles. (Source Encyclopedia Universalis26, 2063-2064)
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Annexe 2 : A propos de Paul Langevin
Paul Langevin, Physicien français, imprégné des suites de la guerre de 1870 et de la répression sanglante de la Commune de Paris, diplômé de l’Ecole supérieure de physique et de chimie industrielle de la Ville de Paris (seule école d’ingénieurs accessible à ceux qui n’avaient pas reçu l’enseignement des lycées), où il suit les cours de Pierre Curie, sous l’influence duquel il s’oriente vers la recherche et l’enseignement après un passage sur les bancs de l’Ecole Normale Supérieure et une année au Cavendish Laboratory de Cambridge où se trouvent alors E. Rutherford et J. J. Thomson. Son œuvre se situe dans une longue période de transition qui, de 1900 à 1930, mène de la physique « classique » à la physique « moderne », dominée par la théorie de la relativité d’Einstein et la théorie quantique. Ses travaux sur la nature microscopique du magnétisme le mènent à élaborer les propriétés magnétiques d’un corps résultant de la compétition entre un facteur d’ordre (l’interaction électromagnétique) et un facteur de désordre (l’agitation thermique). Cette théorie servira de modèle par la suite à de nombreuses autres explications des propriétés macroscopiques de la matière. En 1906, il lit le mémoire d’Einstein sur la relativité restreinte et œuvre alors à l’introduction des idées nouvelles dans ses cours au Collège de France, entre autre. Fervent partisan d’une ouverture de la pédagogie et soucieux de la divulgation des théories scientifiques les plus novatrices, il participe à de nombreuses universités populaires dont l’Université ouvrière aux côtés de Romain Rolland et de Henri Barbusse. Engagé politique, militant pacifiste et antifasciste, résistant, soucieux de contribuer à l’émergence d’un « homme nouveau », il élabore, en collaboration avec le psychologue Henri Wallon, un plan de réforme de l’enseignement qui préconisait, entre autres choses, la réduction des effectifs des classes. (Source Encyclopedia Universalis27, 2574, voir aussi :)http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Langevin
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Annexe 3 : A propos de Frédéric Joliot-Curie
Frédéric Joliot-Curie, physicien français, né et mort à Paris. Ingénieur de l’Ecole de physique et de chimie industrielle de la Ville de Paris, où il reçut l’enseignement de Paul Langevin, il décide de se consacrer à la recherche scientifique et entre en 1925 à l’Institut du radium, dirigé par Marie Curie, dont il épouse, en 1926, la fille Irène. Il obtient son doctorat en 1930. Avec sa femme il consacre toutes ses recherches à l’étude des rayonnements pénétrants. La découverte, en 1933, des neutrons leur vaut le prix Nobel de chimie. Maître de conférence à la Sorbonne, il est nommé, en 1937, professeur au Collège de France. En 1934, il adhère au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, aux côtés de Paul Langevin et du philosophe Alain. En 1939-1940, mobilisé, il poursuit ses études des réactions en chaîne, obtient le rachat par la France du stock mondial d’eau lourde détenu par la Norvège, stock que Halban et Kowarski emporteront à Londres en juin 1940. Résistant, il participe à la fondation, en 1941, du comité du Front national. Son laboratoire de chimie nucléaire participera activement à la libération de Paris en 1944. Directeur du CNRS en 1944, il propose en 1945 la fondation du CEA. Président du Mouvement mondial pour la paix depuis 1949, il exprime publiquement son hostilité à la fabrication éventuelle d’armes nucléaires, ce qui entraîne sa révocation à la tête du CEA en 1950. Il est le premier signataire de l’appel de Stockolm exigeant l’interdiction de l’arme atomique (500 millions de signatures). (Source Encyclopedia Universalis26, 2386-2387, voir aussi )http://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric_Joliot-Curie
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Annexe 4 : A propos de Jigōrō Kanō
C’est Jigorō Kanō qui a trouvé la voie () de la souplesse (), développant ainsi l’antique jiu-jitsu –technique militaire apparue au XVIe siècle puis tombée trois siècles plus tard, au seuil de l’ère Meiji, dans une progressive décadence. Le judo débuta dans une salle exigüe de Tokyo en 1882 avant de s’imposer peu à peu à travers le monde. Il s’agit d’utiliser à son profit la force de l’adversaire, donc de développer la capacité, grâce aux qualités de souplesse et d’adresse que favorise la vitesse d’exécution, à privilégier l’intelligence et la beauté du geste, conséquence de son efficacité : le judo est une discipline intellectuelle et morale, voire même une philosophie qui ne manquait pas d’attrait pour les occidentaux, et en particulier certains intellectuels français. C’est maître Mikonosuke Kawaishi, arrivé en France avant la seconde guerre mondiale qui a imaginé la matérialisation de la progression dans la discipline par des ceintures de couleur. (Source Encyclopedia Universalis26, 2409, voir aussi)http://fr.wikipedia.org/wiki/Jigoro_Kano
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Annexe 5 : Une courte leçon de PCM (Source: Sens-Habileté, Journal de l’association québecquoise des praticiens Feldenkrais, Volume 1, numéro 3.)
Asseyez-vous confortablement sur une chaise, les pieds à plat sur le sol.
1. Tournez votre tête vers la droite sans forcer. Remarquez jusqu’où vous pouvez tourner la tête. Revenez au centre. Répétez le mouvement pour vous assurer de votre zone de confort dans le mouvement.
2. Prenez votre main gauche et placez-la sur votre cou, en-dessous de votre oreille droite. Appuyez ou serrez le gros muscle situé en-dessous de votre oreille (le sternocléïdomastoïdien) sur le côté droit, avec vos doigts de la main gauche. Cela limitera l’action de ce muscle.
3. Expirez pendant que vous tournez la tête lentement à droite vers votre main, et puis tournez votre tête vers la gauche. Répétez 2 ou 3 fois.
4. Laissez tomber votre main gauche et tournez vers la droite. Remarquez le changement dans a capacité de rotation.
5. Levez votre main gauche et tenez de nouveau le muscle. Cette fois, en expirant et tournant la tête, gardez vos yeux fixés au centre. Répétez 2 ou 3 fois.
6. Laissez tomber votre main gauche et tournez encore vers la droite. Remarquez l’augmentation de la capacité de rotation.
Changez de côté et répétez. Le Changement est-il le même des deux côtés?
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Annexe 6 : A propos de Gregory Bateson
Gregory Bateson a consacré sa vie à la recherche dans des domaines très variés des sciences sociales (anthropologie, psychiatrie, cybernétique), mais il s’est surtout attaché à la recherche sur la recherche, c'est-à-dire celle qui s’interroge sur les fondements de la connaissance des phénomènes humains. C’est au cours de recherches ethnologiques en Nouvelle-Guinée qu’il rencontre Margaret Mead (une autre rencontre importante de Moshe Feldenkrais) qu’il épouse et dont il aura une fille, anthropologue à son tour.
Ses recherches le mènent à élaborer de nouveaux outils conceptuels tels que l’eidos (le tableau des processus cognitifs d’une culture) et l’ethos (les valorisations émotionnelles d’une culture), outils à rechercher moins dans l’inconscient que dans l’apprentissage. A ces facteurs de stabilité, il faut en ajouter d’autres qui impliquent le changement : ce sont les processus de différenciation appelés shismogenèses qui prennent soit la formesymétrique, soit la forme complémentaire.
Mais sa réflexion acquiert une autre dimension, plus novatrice encore, à la suite de sa participation aux conférences de la fondation Macy sur la cybernétique, par « le remplacement de l’idée d’adaptation ou de but par la notion d’autocorrection ».
Fort de ses convictions épistémologiques nouvelles fondées sur la cybernétique et la théorie des systèmes qui coïncident avec ses recherches au Veterans Administration Hospital de Palo Alto en Californie, il continue à approfondir les questions relatives au « soi » dans la relation complémentaire de celui-ci avec le système plus vaste qui l’inclut. Il spécialise ses recherches chez les alcooliques et les schizophrènes, et cherche alors à combler « une lacune de la connaissance formelle » qui devient évidente « lorsque nous quittons le monde raréfié de la logique et des mathématiques pour affronter les phénomènes de l’histoire naturelle ». Il propose alors de distinguer une suite hiérarchisée de quatre catégories d’apprentissage classées le long d’une échelle de type logique. Cette tentative s’inscrit dans une révision de la pensée scientifique qui « suppose que l’observateur appartient au champ même de l’observation et que, d’autre part, l’objet de l’observation n’est jamais une chose, mais toujours un rapport ou une série indéfinie de rapports ». Il accorde ainsi la plus grande importance aux métarelations, le système de communication n’étant pas l’individu physique, mais un vaste réseau de voies empruntées par les messages, et résume sa conclusion dans cette formule : « La contradiction entre le tout et la partie […] est tout simplement une contradiction dans les types logiques [car] le tout est toujours en métarelation avec ses parties ».
Il s’agit là d’une invitation à modifier radicalement notre façon de concevoir le processus mental et communicationnel.
A l’opposition entre immanence et transcendance, l’épistémologie cybernétique propose, avec Bateson, de substituer une approche nouvelle par où l’esprit individuel est immanent, mais pas seulement dans le corps. Il est immanent également dans les voies et les messages extérieurs au corps ; et il existe également un Esprit plus vaste, dont l’esprit individuel n’est qu’un sous-système[…] ; il est comparable à Dieu, mais il n’en est pas moins immanent à l’ensemble interconnecté formé par le système social et l’écologie planétaire ». Ainsi donc, alors que Freud a « étendu le concept d’esprit vers le dedans […] vers l’intérieur du corps, j’étends, écrit Bateson dix ans avant sa mort, l’esprit vers le dehors. Et ces deux mouvements réduisent le champ du soi conscient. » On retrouvera une similitude d’approche, mais organisée d’un autre point de vue dans l’hypothèse Gaïa, formulée par James Lovelock en 1979.
L’influence de Bateson est sensible dans le domaine des sciences du comportement et sont pour beaucoup dans les interrogations sur les rapports entre physique, biologie et anthropologie qui occupent Edgar Morin dans ses ouvrages sur La Méthode. (Source :Encyclopedia Universalis3, 871-872, voir aussihttp://fr.wikipedia.org/wiki/Gregory_Bateson)


Notes
(1) Néologisme volontaire qui me permet de distinguer ce qui relèverait d’une intention thérapeutique, de ce qui émerge, sans que le praticien ne l’ait explicitement recherché, d’un acte de nature pédagogique.
(2) Voir les ouvrages d’Ilya Prigogine, Gregory Bateson, Francisco Varela.
(3) Voir annexe 1
(4) Mark Reese Une biographie de Moshe Feldenkrais : chapitre 1, les racines en Europe Orientale ; chapitre 2, Eretz Israël, 1919-1930, publiés dans le Bulletin Feldenkrais France n° 56, décembre 2006 et 57, mars 2007.
(5) Voir annexe 2
(6) Voir annexe 3
(7) Voir annexe 4
(8) Voir annexe 5
(9) Source : « Relations internationales », dossier réalisé par Patrice Auquier et réactualisé par Jean-François Michaud, publié dans le Bulletin de l’APMF n°19, automne 1994.
(10) Voir annexe 6
(11) Moshe Feldenkrais ne s’est pas contenté d’élaborer sa méthode sous un angle pratique. Il a aussi laissé derrière lui des écrits qui méritent d’être lus et relus, mis en résonance avec la pratique elle-même. Certains de ses ouvrages sont disponibles en français : aux Editions du Temps présent: “Le cas Doris”, “L’être et la maturité du comportement”; chez L’inhabituel: “L’évidence en question”; chez Dangles: “Energie et bien-être par le mouvement”; chez Robert Laffont: “La puissance du moi”
(12) Thierry Janssen, La solution intérieure, éditions Fayard, Janvier 2006
(13) Voir à ce sujet, sous la direction de Alain Berthoz et Gérard Jorland, L’empathie, éditions Odile Jacob 2004.
(14) C’est ainsi que Françoise Figuière, praticienne et assistante Feldenkrais a présenté la méthode dans les revues de kinésithérapie.
(15) Voir l’ouvrage de Larry Goldfarb, Articuler le changement, éditions du Temps présent, 1998
(16) Voir la revue « Somatics », créée par Thomas Hanna à Novato, CA, USA
(17) Thérèse Bertherat et Carol Bernstein, Le corps a ses raisons, éditions du Seuil, 1976
(18) Bonnie Bainbridge Cohen, Sentir, ressentir et agir, Nouvelles de danse, éditions contredanse, Bruxelles, octobre 2002
(19) Ce concept d’incarnation mériterait à lui seul d’être l’objet d’une recherche épistémologique : je renvoie les lecteurs intéressés par le sujet à lire, en particulier, Héraclite et Socrate, Spinoza et Descartes, Kant, dans ses Ecrits sur le corps et l’esprit (GF Flammarion, 2007), La phénoménologie de l’esprit de Hegel, Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible et Phénoménologie de la perception (éditions Gallimard, coll. Tel), Francisco Varela, Evan Thompson et Eleanor Rosch, L’inscription corporelle de l’esprit (éditions du Seuil, coll. La couleur des idées), ainsi que tout ce qui échappe encore à mon attention, à mon plus grand regret.
(20) Cette dimension trouve encore son épanouissement dans les ouvrages de James Lovelock : La terre est un organisme vivant, L’hypothèse Gaïa (collection Champs/ Flammarion) ; Les âges de Gaïa (éditions Robert Laffont) ; Gaïa, une médecine pour la planète (éditions Sang de la terre).
(21) Moshe Feldenkrais, L’être et la maturité du comportement, éditions du Temps présent, 1993
(22) Antonio Damasio : L’erreur de Descartes, Le sentiment même de soi, Spinoza avait raison, éditions Odile Jacob, 1995, 1999, 2005
(23) Edgar Morin, Le paradigme perdu : la nature humaine, éditions du Seuil, 1973, La Méthode, 1. La nature de la nature, Points Seuil, 1981 ; Edgar Morin, Raul Motta, Emilio-Roger Ciurana, Eduquer pour l’ère planétaire, éditions Balland, 2003
(24) Sur l’apprentissage de l’expérience vécue, lire, de Bruno Bourassa, Fernand Serre et Denis Ross, Apprendre de son expérience, Presses de l’université du Québec, 2003
(25) Regroupement pour l’éducation somatique : www.education-somatique.ca
(26) Association Feldenkrais France ; Siège social à Paris ; Secrétariat : 16 bis rue des Fontenelles 91310 Linas, Tel/fax : 0160193933 ; Messagerie : secrétariat@feldenkrais-france.org; Site Internet : www.feldenkrais-france.org
(27) Mes remerciements vont à Yveline Ciazynski, Psychanaliste et philosophe qui a accepté de lire et relire cet article et de me mettre en face de mes insuffisances, ainsi qu’à Jean-Marc Soudon et Annette Orphal, président et vice-présidente de l’Association Feldenkrais France qui m’ont apporté les ultimes corrections et leur soutien dans cette initiative.

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